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Cybersécurité QVCT Témoignage
Publié le 29 janvier 2021 Modifié le 19 décembre 2023
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Temps de lecture : 9 minutes

L’intelligence artificielle au service de la sécurité au bloc opératoire

Entretien avec Michael S. WOODS, Chief Medical Officer chez Caresyntax à propos de l’avènement de l’intelligence artificielle au service de la sécurité et de la prévention des risques au bloc opératoire. L’introduction de l’intelligence artificielle au bloc opératoire a notamment été possible grâce au partenaire Caresyntax, spécialiste de la digitalisation du bloc opératoire pour l’amélioration des performances des pratiques au bloc opératoire.

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Michael S. WOODS
Chief Medical Officer

Quel est l’objectif recherché avec la digitalisation des salles d’opération ?

« Il existe de nombreux flux de données précieux et inexploités dans un bloc opératoire. Ceux-ci devraient être utilisés pour améliorer son fonctionnement. Nous avons observé que ces flux de données recoupent tous les aspects des soins chirurgicaux délivrés aux patients :

  • qualité opérationnelle,
  • organisation,
  • gestion des risques,
  • gestion du matériel/chaîne d’approvisionnement.

Tous ces éléments ont un impact direct ou indirect sur le budget d’un établissement. Nous abordons l’exploitation de ces données d’un point de vue sociotechnique. Par exemple, « Comment le travail d’équipe intra-opératoire influe-t-il sur le résultat pour le patient ? », « Quel niveau de compétence technique est nécessaire pour assurer de manière fiable, qu’un chirurgien ou un résident aura de bons résultats ? » ; « À quel niveau de compétence technique voyons-nous une réduction des temps opératoires ou une amélioration de l’utilisation des dispositifs jetables ? » ; « Combien d’heures un chirurgien peut-il opérer en continu et en toute sécurité avant que la fatigue cognitive ne commence à affecter sa prise de décision peropératoire ? ». Ce n’est que grâce à la capacité d’exploitation de cet ensemble de données agrégées et intégrées (médicales, qualité, risques, matériaux et opérations) qu’une organisation peut commencer à s’améliorer dans l’un de ces domaines ».

Quels sont les principaux avantages de la digitalisation du bloc opératoire ?

« Ils sont nombreux, mais ceux que je mettrais en priorité sont notamment l’amélioration de la performance des solutions technologiques qui le compose, le renforcement de la coordination et l’harmonisation des pratiques, et in fine l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et de la sécurité des patients. Les organisations qui ont adopté une plateforme digitale sur la chirurgie ont fait des progrès considérables en matière d’efficacité, de qualité et de gestion des risques. En effet, une telle plateforme peut permettre l’introduction d’une nouvelle procédure de manière plus sécurisée ou montrer dans quelle mesure les aspects opérationnels de la journée ont un impact sur les résultats de la chirurgie et donc sur le patient ».

Dans quels domaines considérez-vous qu’il est le plus important de mettre en oeuvreun modèle standardisé en chirurgie ?

« J’ai travaillé pour le chef du service de transplantation rénale pendant ma formation en chirurgie, et il était célèbre parmi les stagiaires pour avoir dit : « Nous le faisons de la même manière, à chaque fois ». Ce qu’il reconnaissait, c’est que la fiabilité des performances techniques de la chirurgie – ainsi que les soins pré et post-opératoires aux patients, étaient la clé d’un résultat fiable. En ce sens, tout le parcours des soins chirurgicaux est important :

  • l’opération et le processus,
  • le fonctionnement de l’équipe,
  • les compétences techniques et interpersonnelles du chirurgien,
  • la gestion des risques et les pratiques de qualité,
  • et la gestion des matériaux.

Un bon résultat est la somme des composantes de l’ensemble du parcours de soins. Une procédure peut parfaitement se dérouler d’un point de vue technique, et le patient meurt soudainement d’une embolie pulmonaire 3 jours après l’opération, parce qu’il n’y avait pas de processus pour éviter la prophylaxie de la thrombose veineuse. Nous oublions souvent que le résultat d’une opération, bien qu’il soit lié de manière significative aux compétences du chirurgien, peut être affecté négativement par des problèmes cliniques ou liés au processus.

Ainsi, il n’y a pas de domaine plus important qu’un autre pour établir la fiabilité d’un système complexe et dynamique. Le modèle de James Reason illustre parfaitement le fait que ce n’est pas un élément qui entraîne un événement indésirable, mais l’accumulation de nombreux facteurs tout au long du parcours de soins, tous s’alignant au mauvais (ou au bon) moment pour entraîner un préjudice pour le patient. C’est pourquoi Caresyntax s’est appuyé sur un modèle sociotechnique pour construire la Plateforme de Chirurgie Digitale. C’est de cette plateforme que nous tirons notre compréhension de la culture des soins de santé, des processus et des technologies dans les soins aux patients, pour aider les organisations à normaliser le continuum des soins chirurgicaux ».

Quels sont les défis techniques et humains liés au bloc opératoire ?

« Un des premiers freins que nous observons est le scepticisme des chirurgiens quant à la valeur du numérique en chirurgie, et ce malgré le fait (prouvé à maintes reprises dans le sport par exemple), que l’examen vidéo peut améliorer la fiabilité des performances. Du point de vue des risques, la vidéo des procédures chirurgicales suscite de nombreuses inquiétudes. D’une certaine manière, cela renvoie à la question du changement d’état d’esprit, du passage de l’environnement punitif à un environnement d’apprentissage. Qu’est-ce qui est le plus important ? Apprendre en permanence en filmant toutes les opérations chirurgicales, ou utiliser la vidéo comme outil de preuve dans une mise en cause. Je dirais que la première solution est plus importante et aura un impact beaucoup plus important sur la réduction des risques que maintenant. Aucune donnée n’étaye cette  préoccupation, à part des cas anecdotiques et ponctuels où la vidéo a joué un rôle négatif dans une affaire.

Mais qu’en est-il de la valeur d’une vidéo qui montre qu’aucune erreur technique ne s’est produite ? Qu’en est-il d’une vidéo qui documente un dysfonctionnement de l’appareil – et non une erreur du chirurgien – comme étant la cause ultime de la complication ? Les gens veulent croire que s’ils adoptent une certaine technologie, celle-ci résoudra tous les problèmes de sécurité, de qualité ou de fonctionnement au bloc. Mais la science sociotechnique nous dit que ce n’est pas forcément la réalité ; la technologie intègre l’organisation, elle a un impact sur les équipes, les utilisateurs finaux, mais également sur les processus. C’est l’issue finale qui détermine la valeur apportée par la nouvelle technologie.

La technologie peut améliorer la qualité, la communication et le travail d’équipe, mais elle peut aussi les entraver. Nous avons donc appris que toute solution technologique doit être associée à des méthodologies normalisées, logiques et éprouvées – des processus – qui tirent parti tant de la nouvelle technologie que des réalités humaines existantes, pour répondre aux besoins de nos patients et de l’organisation du bloc. Parmi les autres défis à relever, il y a celui de la personnalité du chirurgien (et je suis chirurgien, je peux donc le dire). Certains chirurgiens estiment que leur niveau de compétence est si bon qu’ils ne tireraient pas profit de l’utilisation d’une plateforme de chirurgie numérique. Ma réponse à cela est la suivante : « Vous n’aurez aucune difficulté à participer parce que votre qualité élevée et constante sera la norme de performance pour les autres ».

Sur quels types de projets travaillez vous actuellement ?

« Aujourd’hui, nous travaillons sur différents chantiers dont les objectifs sont les suivants :

  • Améliorer la formation virtuelle et le contrôle de la qualité des procédures chirurgicales ;
  • Automatiser la détection des marqueurs d’événements indésirables afin de permettre une intervention en temps réel et de favoriser une amélioration continue ;
  • Se concentrer sur les infections du site chirurgical et leur réduction en utilisant des approches manuelles ou automatisées, intégrées à la pratique du chirurgien ;
  • Intégrer dans notre logiciel des algorithmes de détection de phases répétitives afin d’automatiser les opérations au bloc opératoire.

Par exemple, en automatisant l’appel du cas suivant, ou en notifiant les services de maintenance que la salle devra être nettoyée dans 30 minutes, et d’autres fonctions banales mais essentielles que nous pouvons décharger du personnel ».

Et quels sont vos résultats ?

« Nous avons appris que la technologie appliquée de manière isolée ne suffit pas à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le domaine des soins de santé. Tout le monde veut une solution simple pour répondre à un problème complexe (actionner un interrupteur ou incorporer un algorithme d’IA dans leur dossier médical partagé pour résoudre le problème, par exemple). Cela n’arrivera pas, du moins pas avant longtemps. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette approche ne se limite pas à la plateforme de chirurgie numérique, mais aide également les organisations à tirer parti d’une méthodologie d’amélioration standardisée et très robuste, associée à la technologie pour créer la fiabilité ».

Comment percevez-vous le rôle de l’assureur dans le déploiement de ce type d’innovations ?

« Les assureurs qui soutiennent ce type d’approche sont en train de modéliser deux comportements indispensables dans le secteur du risque. D’une part, ils voient qu’une bonne politique de gestion des risques passe par la promotion de la qualité et la sécurité, mais également par de l’aide apportée aux organisations pour les rendre plus performantes. D’autre part, ils comprennent que l’innovation est nécessaire, notamment en matière de gestion des risques et de pratiques de souscription. Les assureurs qui soutiennent l’approche conçue par Caresyntax comprennent également qu’ils pourront développer des pratiques de souscription beaucoup plus intelligentes et spécifiques qui profiteront au chirurgien, à son organisation et à l’assureur, car ils intégreront ce que j’appelle le « spectre des risques ». Ce concept ne se base pas seulement sur ce qui génère un sinistre mais tout résultat inattendu ou préjudice causé aux patients qui constitue un risque de responsabilité. En comprenant le « spectre des risques », un assureur sera en mesure de guider ses sociétaires pour qu’ils exploitent les données afin de réduire le nombre de préjudices évitables pour les patients et, par conséquent, de réduire leur exposition globale. Il s’agit d’un scénario « gagnant-gagnant-gagnant ». De plus, en s’orientant vers une identification en temps réel des problèmes cliniques en évolution, l’assureur a la possibilité de s’engager dans une résolution précoce et proactive des réclamations inévitables ».

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La menace du risque cyber qui plane sur les établissements de santé aujourd’hui est bien réelle. De plus en plus de pratiques et de processus sont numérisées ou digitalisées ; les règles et la juridiction se développent. Mais les enjeux de cybersécurité s’accompagne également d’innovations, qui améliorent la qualité du parcours de soin des patients. Si cette thématique vous intéresse, voici une liste d’articles qui abordent cette dualité contemporaine :

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