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Sécurité des soins Gestion des sinistres / réclamations
Publié le 16 février 2021 Modifié le 7 juin 2023
Auteurs
  • VHMN – user icon
    Anne-Sophie Mazeirat
    Juriste direction juridique
Temps de lecture : 5 minutes

De la maltraitance à la bientraitance… le point de vue du juriste

Si les nombreux rapports, circulaires et autres recommandations s’intéressant à la thématique condamnent fermement tout acte de maltraitance et promeuvent la bientraitance, ces deux notions n’ont toutefois fait l’objet d’aucune définition juridique précise.

Définition du conseil de l’Europe et de l’ANESM

Le Conseil de l’Europe et l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des Etablissement Sociaux et Médico-sociaux (ANESM) ont bien tenté de préciser ces concepts mais un certain flou, propice aux tergiversations, demeure.

Ainsi, dans un rapport sur la protection des adultes et enfants handicapés contre les abus, le Conseil de l’Europe définit la maltraitance comme :

« tout acte, ou omission, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable» (1).

À ce titre, sont généralement distinguées les violences physiques, psychiques ou morales, matérielles et financières et les violences médicales ou médicamenteuses (ex. : manque de soins de base, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, …), mais également la privation ou la violation de droits, les négligences actives et passives.

De son côté, l’ANESM s’est essayé à définir la bientraitance comme :

« une culture inspirant les actions individuelles et les relations collectives au sein d’un établissement ou d’un service. Elle vise à promouvoir le bien-être de l’usager en gardant à l’esprit le risque de maltraitance » (2).

Tentative de définition au regard du droit pénal :

Lorsqu’en quête d’une définition juridique, on s’intéresse aux qualifications retenues par le juge pénal pour sanctionner les comportements maltraitants, un nombre important d’incriminations peut être recensé.

Il est d’ailleurs possible de distinguer en la matière, les incriminations classiques et les incriminations spécifiques.

Les incriminations classiques

Parmi les premières, une attention particulière doit être portée aux violences.

En effet, qu’ils s’agissent de violences légères (3), ou plus lourdes (4), chacune trouve une incrimination à laquelle est associée une sanction particulière, graduée en fonction des préjudices subis par la victime.

Les menaces de commettre un crime ou un délit (5), ou les menaces de violences (6) sont également punies avec la même gradation dès lors qu’elles ont été réitérées ou matérialisées par un écrit, une image ou tout autre objet.

Enfin, le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement pourra également emporter condamnation de l’auteur de l’infraction (7) quand bien même l’acte litigieux n’a occasionné aucun préjudice à la victime.

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Les incriminations spécifiques

À côté des incriminations classiques, d’autres s’appuient plus spécifiquement sur l’état de faiblesse de la victime. Ainsi sont notamment sanctionnés le délaissement en un lieu quelconque d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique (8) ; les violences légères (9), les violences habituelles commises sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse apparente ou connue de l’auteur (10).

Enfin, l’état de faiblesse de la victime peut également constituer une circonstance aggravante dans le cadre de la répression des violences (11) et agressions sexuelles (12).

Nota Bene : Notons à toutes fins utiles que certains sont tentés d’étendre la notion de maltraitance aux infractions non intentionnelles constituées par des atteintes involontaires, causées par imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation particulière de sécurité ou de prudence.

En ce sens, le manque d’attention, les légèretés ou étourderies, les défauts de précautions nécessaires, ou le non respect de règles de sécurité ayant entraîné des blessures, ou le décès de la victime pourront mettre en exergue si ce n’est une maltraitance, tout au moins un défaut de bientraitance.

Maltraitance et responsabilités

Sur le plan pénal, chacun demeurant personnellement responsable de ses actes, il appartient à l’auteur de l’infraction d’en assumer les conséquences. La condamnation du « maltraitant » prend ainsi la forme d’une peine d’emprisonnement prononcée avec ou sans sursis, et /ou d’une peine d’amende.

Sur le plan indemnitaire, c’est en principe l’établissement qui répond des conséquences dommageables des fautes commises par son personnel. Toutefois, ce principe « d’immunité civile » profitant aux agents des établissements publics et aux salariés des structures privés, disparaît, lorsque la faute commise par ce personnel peut être qualifiée de faute personnelle (pour les agents du public) ou d’abus de fonction (pour les salariés du privé).

La faute intentionnelle caractérisant l’acte maltraitant tel que décrit plus haut (violences, menaces, agressions sexuelles, …) s’apparentant par définition à une faute personnelle ou un abus de fonction, l’auteur de la maltraitance, ne pourra bénéficier de cette « immunité civile » et devra donc personnellement indemniser la victime des dommages qu’il a occasionnés.

Notons par ailleurs, qu’en cas de condamnation de l’établissement employeur, celui-ci disposera d’un recours contre son agent ou salarié auteur de la faute personnelle ou de l’abus de fonction.

En définitive, sans qu’émerge une définition précise de la notion de maltraitance, il est aisé de constater qu’un arsenal juridique relativement complet permet d’en dresser les contours et de sanctionner les auteurs de ces actes malveillants.

Références

(1) Rapport sur La protection des adultes et enfants handicapés contre les abus, Conseil de l’Europe 2002
(2) Recommandations de bonnes pratiques professionnelles – « La bientraitance : définition et mise en œuvre », ANESM, juin 2008
(3) Art. R.624-1 et R.9625-1 CP
(4) Art. 222-7 ; 222-9 et 222-11 CP
(5) Art. 222-17 CP
(6) Art. R.623-1 CP
(7) Art. 223-1 CP
(8) Art. 223-3 CP
(9) Art. 222-13 CP
(10) Art. 222-14 CP
(11) Art. 222-3, 222-8, 222-10 et 222-12 CP
(12) Art. 222-4, 222-28 et 222-29 CP

En savoir plus

Si vous désirez en apprendre plus sur les la conduite à tenir en cas de suspicion de maltraitance, ainsi que les procédures à suivre lorsque celle-ci est avérée, voici quelques articles qui pourront vous intéresser :

Merci de votre intérêt pour le travail des experts et des préventeurs Relyens. Au côté des acteurs du monde médical et des établissements, Relyens comprend vos problématiques de management de risques, notamment celles particulièrement délicates à prendre en charge des cas de maltraitance. Afin de vous aider à gérer au mieux ces situations, Relyens vous offre son expertise et vous guide dans la conduite à tenir face à une suspicion de maltraitance familiale.

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