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Sécurité des soins Accident de travail Gestion des sinistres / réclamations
Publié le 23 février 2022 Modifié le 6 juin 2023
Auteurs
  • VHMN – user icon
    David Fritsch
    Consultant risk manager
Temps de lecture : 5 minutes

Evénements indésirables graves associés aux soins : Où en est-on de la culture du signalement ?

A l’heure où les premiers éléments de synthèse de l’étude ENEIS 3(1)  sont rendus publiques(2) , il nous semble intéressant de nous pencher sur le fonctionnement du signalement et de la déclaration des EIGS(3) .

Faisant suite à deux précédentes études (en 2004 et en 2009), ENEIS 3 nous fournit une information importante vis-à-vis des événements graves survenus en établissements de santé. En effet ceux-ci font toujours l’objet d’une sous-déclaration tant dans les dispositifs de signalement internes (propres aux établissements) que dans le système de déclaration national (à destination des ARS(4)). Ces derniers se faisant en ligne via la plateforme https://signalement.social-sante.gouv.fr/.

Concernant ENEIS 3, sur les 123 EIGS identifiés dans le panel de l’étude (55 établissements, 154 unités de soins) seuls 21 événements (17,1%) ont fait l’objet d’un signalement en interne et seulement 2 événements (1,6%) ont été déclarés sur la plateforme nationale.

Si la loi du 4 mars 2002 a posé le principe de l’obligation de déclarer tout événement indésirable grave, l’efficacité du système de signalement dépend largement de l’existence d’une culture de sécurité auprès des professionnels de santé.

EIGS

A eux seuls ces chiffres constituent des indicateurs reflétant un important déficit de cette culture de sécurité qui fixe les bases de la gestion des risques. Sans remontées d’informations, il est évidemment bien plus complexe de fournir un travail efficace en termes d’actions pour la sécurité des soins. Comment porter des mesures pertinentes sur les causes des incidents ou accidents survenus si ces derniers ne sont pas signalés ? L’intégration de ces concepts nécessite du temps et de la pédagogie. Quand bien même l’apparition de la gestion des risques dans le monde de la santé peut nous paraitre lointaine maintenant (principes définis il y a plus de 20 ans dans le 1er manuel d’accréditation de l’ANAES en février 1999) du chemin reste encore à parcourir.

Avec 17% d’EIGS déclarés, la marge de progression est encore importante et nous ne pouvons qu’espérer voir ce score s’améliorer à l’avenir.
Au-delà du temps et de la pédagogie, il y a un autre phénomène qui vient expliquer les réticences au signalement local et à la déclaration.

Il s’agit de la peur du jugement de valeur, la crainte de remontrances et de la sanction. Les établissements l’ont bien évidemment pris en compte dans leurs règlements ou dans leurs chartes du signalement. Ces documents fixent un cadre en précisant l’importance de la responsabilisation professionnelle du déclarant et de l’engagement de la direction à ne pas se servir du dispositif à d’autres fins que de gérer des risques.

Mais qu’en est-il de ce même type de crainte vis-à-vis de la déclaration sur la plateforme nationale ?
Au-delà des intentions fort louables du dispositif de déclaration et de ses facilités d’accès, il y a les faits. Lors des visites de risques mises en place par Relyens auprès des établissements de santé, nous interrogeons systématiquement les établissements sur leur système de signalement des événements indésirables.

Ainsi, il n’est pas rare de nous entendre dire que les déclarations à destination des Agences Régionales de Santé ont été arrêtées suite à de mauvaises expériences en réponse à celles-ci.

Sans en faire une généralité, ces constats nous montrent que le déficit culturel n’est pas exclusivement l’apanage des hospitaliers mais qu’il peut également être présent au niveau des organismes de tutelles. Le dernier rapport annuel HAS sur les EIGS daté de décembre 2021(5)  nous montre d’ailleurs une grande variabilité interrégionale du taux de déclaration probablement liée à la diversité des politiques territoriales incitatives de déclaration et du niveau d’implication des SRA-QSSP(6) .
Le bon fonctionnement d’une gestion des risques centralisée, que ce soit au niveau local, régional ou national, repose sur un climat de confiance, de transparence, de compréhension réciproque et surtout de feedback. Les données globalisées et analysées restent indispensables pour mieux cerner les événements indésirables et les actions à mener au niveau national. Il ne faut pas non plus omettre que la remontée d’informations via les déclarations ne sert au final qu’à alimenter l’analyse de tous les dysfonctionnements ou autres incidents, accidents et à y rechercher des améliorations possibles touchant à la sécurité via les retours d’expériences menés lors de séances de CREX(7) , RMM(8) , REMED(9) . Le rapport annuel sur les EIGS de la HAS nous fournit ainsi des infos précieuses sur la nature des événements déclarés, leurs causes identifiées et les actions correctives menées.

Au regard de ce contexte, Relyens demeure un acteur majeur dans le management des risques, d’une part via les actions que nous menons en faveur de la prévention (visites de risques, programmes de formation  et missions d’accompagnement) et d’autre part via l’exploitation des données issues des sinistres qui nous sont transmis et que nous traitons depuis près de 100 ans.

Dans le cadre du bilan de nos visites de risques sur les 5 dernières années, nous avons émis près de 300 recommandations relatives à la gestion des risques a posteriori. 20% d’entre-elles portent sur le dispositif de signalement des événements indésirables. 80% concernent l’analyse des causes (CREX, RMM). Notre vision vient ainsi confirmer que ces dispositifs doivent encore évoluer et progresser.

Notre rôle est d’autant plus important qu’il œuvre à l’atteinte d’un objectif partagé avec nos clients du secteur sanitaire, social et médico-social qui est la qualité et la sécurité des soins. Notre engagement auprès des acteurs de la santé passe par une vision à 360° de la maîtrise des risques : Analyser (identifier, cartographier, comprendre et prioriser les risques) ; Anticiper (prévenir, atténuer, accepter les risques) ; Réagir et limiter l’impact (prise en charge des conséquences).

Références

(1) Etude Nationale des Evénements Indésirables liés aux Soins.
(2) Hospimedia – Article de Pia Hémery publié le 12/11/2021 « 4 événements indésirables graves par service de 30 lits sont observés par mois en 2019.
(3) Un évènement indésirable grave (EIGS) est un évènement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale (art. R. 1413-67 du décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016).
(4) ARS : Agence Régionale de Santé.
(5) Rapport annuel d’activité 2020 sur les évènements indésirables graves associés à des soins (EIGS) – ÉTUDES ET RAPPORTS – Mis en ligne le 20 janv. 2022 sur le site de la HAS www.has-sante.fr
(6) Structures Régionales d’Appui à la Qualité des Soins et à la Sécurité des Patients
(7) Comité de Retour d’Expérience
(8) Revue de Morbidité et Mortalité
(9) Revue des erreurs médicamenteuses

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