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Sécurité des soins Relations patient
Publié le 28 mai 2021 Modifié le 6 juin 2023
Temps de lecture : 5 minutes

Le compte rendu opératoire : pièce maîtresse de la défense des dossiers de maladresse

Depuis 1997, la cour de cassation retenait que « toute maladresse d’un praticien engage sa responsabilité ».

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Le compte rendu opératoire (CRO) devient une pièce maîtresse dans la défense des dossiers. Il fait partie des documents qui constituent le dossier médical d’un patient ayant subi une intervention chirurgicale.

La maladresse peut être qualifiée d’aléa thérapeutique

En effet, en cas de lésion d’un organe, d’une artère ou encore d’un nerf lors d’une intervention chirurgicale qui n’impliquait pas une telle atteinte, le chirurgien répondait des conséquences dommageables, sauf à établir qu’elle était inévitable, notamment du fait d’une particularité morphologique. Cette position revenait finalement à faire peser une présomption simple de faute sur l’opérateur.

La Cour de Cassation posait ainsi le principe d’une obligation d’exactitude du geste chirurgical de sorte que la faute était déduite du seul fait de la réalisation du dommage. Cette position revenait finalement à faire peser une présomption simple de faute sur l’opérateur.

La Cour de Cassation a cependant précisé sa jurisprudence en retenant que « dans le cas d’une atteinte à un organe ou un tissu une faute du chirurgien peut être écartée par la preuve de la survenance d’un risque inhérent à l’intervention ne pouvant être maîtrisé et relevant de l’aléa thérapeutique ».

Par conséquent la « maladresse » ne revêt plus systématiquement un caractère fautif mais peut être qualifiée d’aléa thérapeutique si :

  • Le risque était connu concernant cette intervention
  • Le praticien a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter la survenue du risque

Cette position est réaffirmée récemment, la Cour de Cassation rappelant que « l’atteinte, par un chirurgien, à un organe ou une partie du corps du patient que son intervention n’impliquait pas, est fautive, en l’absence de preuve, qui lui incombe, d’une anomalie rendant l’atteinte inévitable ou de la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relèverait de l’aléa thérapeutique » (Cass. 1ère civ. 20/03/2013 N°12-13900 et tout récemment Cass. 1ère civ. 27/11/2019 n°18-24906).

Le Compte Rendu Opératoire (CRO) devient dorénavant une pièce maîtresse dans la défense des dossiers.

En effet nous pouvons facilement, grâce à la littérature médicale, démontrer qu’un risque survenu étant inhérent à l’intervention. Cependant une des seules pièces du dossier permettant de démontrer que le risque ne pouvait être maîtrisé est le CRO.

Il vous revient ainsi de décrire dans votre compte rendu tous les moyens mis en œuvre pour éviter que le risque ne survienne et de nature à prouver que votre obligation de moyen a été respectée.

La rédaction du compte-rendu opératoire : un temps nécessaire à ne pas négliger

Il est important de décrire de façon exhaustive tous les temps opératoires pour qu’un expert puisse trouver tous les éléments de preuve lui permettant de conclure que l’intervention a été menée avec prudence et dans le respect des mesures de sécurité et de bonnes pratiques nécessaires.

Pour être le plus détaillé possible le CRO doit être rédigé dès la fin de l’intervention (de même que le codage des actes et les prescriptions postopératoires). Il doit être signé par le chirurgien et inclus au dossier patient.

N’hésitez pas à décrire précisément les difficultés rencontrées lors de l’intervention (adhérences …) et la stratégie adoptée pour les contourner. On ne saurait vous reprocher la difficulté en elle-même mais on peut vous reprocher une réponse inadaptée.

Nous recommandons, lors de la rédaction d’un compte-rendu opératoire, de revivre l’intervention avec le regard critique d’un opérateur externe :

  • temps importants,
  • matériel utilisé (et pourquoi),
  • difficultés rencontrées,
  • prises de décisions et
  • justification des choix peropératoires.

De façon générale, nous rappelons les recommandations du CNOM sur les bonnes pratiques de rédaction d’un CRO  :

  • Identification du patient
  • Date de l’acte
  • Nom de l’opérateur
  • Nom de l’anesthésiste
  • Données complémentaires
  • Diagnostic préopératoire
  • Nomenclature des actes opératoires
  • Heure de début et de fin d’intervention ou durée d’intervention
  • Nom de l’aide opératoire
  • Descriptif de l’état pathologique et des lésions rencontrées
  • Choix thérapeutique
  • Mode d’anesthésie
  • Exécutions et techniques réalisées, position définitive de l’opéré, voie d’abord avec précision de taille (par repères anatomiques ou par cm)
  • Constations opératoires avec éventuelles complications ou difficultés opératoires ou péri-opératoires
  • Matériel prothétique utilisé avec ses caractéristiques précises
  • Drainage
  • Type de fermeture et nature des ligatures
  • Prélèvements anatomo-pathologiques ou bactériologiques
  • Plâtre ou contention particulière
  • Heure de mise en place et de levée du garrot
  • Transfusion effectuées (nombre d’unité, etc)
  • Consignes post-opératoires

Le CRO peut être complété ultérieurement si vous avez oublié de mentionner des éléments d’importance ou si vous avez validé un CRO pré rempli un peu trop hâtivement. Toute modification doit cependant avoir un but médical (une meilleure description de l’intervention) et doit être datée, horodatée et signée par l’auteur. La modification, pour être crédible devant un expert, doit intervenir dans un délai raisonnable pour que la mémoire de l’opérateur ne puisse être évoquée pour écarter le contenu de la modification.

Il est également important que la modification soit clairement identifiée et ne modifie pas le texte existant. On pourrait alors vous reprocher d’avoir falsifié une pièce médicale.

En savoir plus

La thématique du dossier médical vous intéresse ou vous concerne ? Il est souvent pertinent de rappeler la dualité de la fonction du dossier patient : utilisé avant et pour tout pour offrir une prise en charge de la meilleure qualité possible au patient, c’est également un outil de droit et un mode de preuve essentiel en cas de contentieux :

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