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Sécurité des soins Amélioration des pratiques
Publié le 11 juin 2021 Modifié le 6 juin 2023
Temps de lecture : 8 minutes

Les dispositifs médicaux implantables : bonnes pratiques et traçabilité

Pour répondre aux contraintes réglementaires, les établissements de santé doivent mettre en œuvre une traçabilité complète des Dispositifs Médicaux Implantables (DMI), à chaque étape de leur circuit dans l’établissement. Cette mise en conformité exige une communication transparente entre le praticien qui implante le dispositif et la direction de l’établissement dans lequel il exerce garante du respect de la réglementation, de la qualité et de la sécurité des soins prodigués aux patients.

Qui de la liberté du praticien quant au choix du dispositif médical implantable (DMI) ?

Rappel concernant l’indépendance professionnelle du praticien salarié ou libéral

L’indépendance des médecins est consacrée par différents articles du code de déontologie médicale. L’article 5 du code précité, reproduit à l’article R.4127-5 du code de la santé publique, dispose ainsi que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit ».

Malgré cet arsenal de textes, le praticien est bien entendu tenu de respecter les règles fixées dans son contrat d’exercice, ce qui inclus notamment les protocoles mis en place dans l’établissement pour son bon fonctionnement.

Les limites de l’indépendance professionnelle face au choix du DMI

Avant de choisir un DMI, le praticien, qui a au préalable validé l’indication opératoire, doit impérativement s’interroger sur les points suivants :

  • Marquage CE du dispositif médical : Un produit qui répond à la définition d’un dispositif médical (DM) doit être marqué CE au titre de la directive européenne 93/42/CEE. D’autres directives existent pour les dispositifs médicaux implantables actifs et pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Pour être mis sur le marché un DM doit avoir répondu aux exigences de la directive européenne. Elle décrit les exigences de sécurité et de performances, ainsi que les modalités de mise sur le marché qui s’imposent aux fabricants.
  • Actualité des recherches scientifiques quant à l’efficacité du DMI : Le marquage CE est sensé attester de la conformité à des exigences essentielles de conception et de production, mais beaucoup d’implants disponibles sur le marché sont insuffisamment évalués et ne garantissent pas l’efficience du dispositif, ni la qualité des résultats. Il est impératif de s’appuyer sur les recommandations de bonnes pratiques des sociétés savantes, de l’HAS (Haute Autorité de Santé) et de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et pouvoir aussi apporter la preuve de la maîtrise technique, de la connaissance du DMI ou encore des conditions d’asepsie inhérentes à la pose de ce type de matériel implantable.
  • Balance bénéfices/risques pour le patient : les bénéfices attendus de la mise en place du DMI doivent être supérieurs aux risques auxquels le patient a préalablement consenti.
  • Inscription du DMI au livret thérapeutique : le praticien doit s’assurer que le DMI choisi soit inscrit dans le livret thérapeutique de l’établissement de manière à maîtriser les coûts. À défaut, il doit faire une demande de dérogation ou de référencement auprès du pharmacien responsable des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux implantables.

Quelles peuvent être les bonnes pratiques relatives au partage des tâches entre la pharmacie, le praticien et la direction de l’établissement ?

  • Le pharmacien : 
    Il enregistre toutes les données suivantes relatives à la délivrance des DMI (article R. 5212-38 du code de la santé publique) : l’identification de chaque DMI (dénomination, numéro de série ou de lot et nom du fabricant et son mandataire), la date de la délivrance au service utilisateur, l’identification du service utilisateur.
  • Le praticien :
    Le praticien s’assure que son service complète les informations relatives au DMI enregistrées par le pharmacien gérant de la PUI (Pharmacie à usage intérieur) – (article R. 5212-39 du code de la santé publique) en enregistrant : la date d’utilisation ; l’identification du patient avec son nom, son prénom, et sa date de naissance ; le nom du médecin ou chirurgien-dentiste utilisateur.
    Il inscrit dans le dossier patient les données relatives aux DMI (article R. 5212-40 du code de la santé publique) : identification du DM (dénomination, numéro de série ou de lot et nom du fabricant et son mandataire) ; la date d’utilisation ; le nom du médecin ou du chirurgien-dentiste utilisateur.
    Ces mêmes informations doivent figurer dans un document remis par le praticien au patient (article R. 5212-42 du code de la santé publique).
    La lettre de liaison remise au patient lors de la sortie de l’établissement de santé est transmise le même jour au médecin traitant. Elle contient notamment la mention de la pose d’un DMI. Cette lettre de liaison sera versée dans le dossier médical partagé du patient si ce dossier a été créé (article R. 1112-1-2 du code de la santé publique).
  • L’établissement personne morale : 
    Le représentant légal de l’établissement fixe, après avis de la CME, une procédure écrite décrivant les modalités selon lesquelles les données nécessaires à la traçabilité sont recueillies, conservées et rendues accessibles (article R. 5212-37 du code de la santé publique).

Pourquoi assurer la traçabilité du DMI au sein d’un établissement de santé ?

Un maillon de la qualité / gestion des risques

  • La traçabilité des DMI est imposée dans le cadre de la certification des établissements de santé par l’HAS
  • Un volet obligatoire du CAQES (Contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins) le précise. Il prévoit en effet l’obligation de traçabilité des DMI au sein des établissements, dans le respect des référentiels de bonnes pratiques existants. Il souscrit à des engagements relatifs aux produits et prestations, qui prennent la forme d’un plan d’actions pluriannuel, devant porter notamment sur l’informatisation et la traçabilité, de la prescription jusqu’à l’implantation
  • La traçabilité des DMI implantés permet d’assurer un suivi en matériovigilance dans les établissements. En cas d’alerte des autorités de santé ou des fabricants concernant la dangerosité ou la non-conformité du DMI, le pharmacien doit être capable de restituer la liste et le parcours des DMI concernés (traçabilité ascendante).

La traçabilité dans le dossier patient : un élément médico-légal

La traçabilité du DMI dans le dossier patient permet de tracer les lots utilisés (traçabilité descendante). C’est un second filet de sécurité.

Le dossier est la clé de la défense des intérêts : par principe, ce qui n’est pas tracé dans le dossier patient n’a pas été réalisé.

Lorsqu’un patient recherche la responsabilité de l’établissement de santé du fait d’un dommage en lien avec une opération pour pose d’un DMI (ex : handicap en lien avec une prothèse de genou implantée), il sera indispensable de pouvoir identifier le DMI implanté. L’expert missionné pour dispenser un avis quant à la conformité de la prise en charge médicale, s’interrogera notamment de l’indication opératoire et du choix du DMI.

Le règlement européen ajoute la notion de système d’identification unique des dispositifs médicaux. Il revient aux établissements de santé d’enregistrer et conserver ce numéro des dispositifs fournis ou qu’on leur a fournis. Pour l’application du règlement, le circuit du DMI devra être informatisé. Les systèmes d’information existants et leur interopérabilité sont nécessaires à la mise en place et à l’utilisation de l’identifiant unique.

La note d’information n°DGOS/PF2/2019/69 du 27 mars 2019 mentionne également les outils d’auto-évaluation disponibles pour les établissements : l’outil d’auto-évaluation de la performance du circuit des Dispositifs Médicaux Stériles (Inter Diag DMS) – l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) et le guide de traçabilité des DM – Europharmat.

La responsabilité de l’établissement risque d’être retenue du fait d’un défaut d’organisation ayant participé au dommage (ex : la prothèse posée n’est pas celle qui a été prescrit par le praticien) ou d’un défaut d’indication opératoire (ex : la prothèse bénéficiait d’un marquage CE au moment des faits mais son efficacité était décriée par les sociétés savantes depuis plusieurs années). Dans ce cas, l’établissement peut être condamné à indemniser les préjudices du patient en lien avec le dommage (pertes de revenus, dépenses de santé, déficit fonctionnel permanent).

Rappelons que la responsabilité civile est déportée sur l’employeur en cas de salariat mais que le praticien conserve une responsabilité ordinale et pénale.

Focus sur la défectuosité d’un DMI

Qu’est-ce qu’un produit défectueux ?

L’article 1386-4 du code civil précise qu’« un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. »

Que faire en cas de suspicion de défectuosité d’un produit lors de son retrait ?

Il convient de conserver le DMI pour le cas où une expertise serait nécessaire, et de faire une alerte matériovigilance : Ne jamais le retourner au fabricant.

Références

  • Décret du 29 novembre 2006 : règles de traçabilité de certains dispositifs médicaux
  • Arrêté 26 janvier 2007 : liste des dispositifs médicaux soumis aux règles de traçabilité
  • Note d’instruction n°DGOS/PF2/2014/158 du 19 mai 2014.
  • Note d’instruction n°DGOS/PF2/2015/200 du 15 juin 2015.
  • Règlement UE 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux.
  • Note d’information n°DGOS/PF2/2019/69 du 27 mars 2019.

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