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Prévention et santé au travail QVCT
Publié le 2 juillet 2021 Modifié le 13 juin 2023
Temps de lecture : 7 minutes

Regard d’expert : qualité de vie et santé au travail dans les établissements de santé

L’analyse du Docteur Jean-Michel Maurel, Médecin conseil Sofaxis, à propos de la QVT (qualité de vie au travail) dans les établissements de soins. Le Dr. Maurel aborde notamment les sujets des risques psychosociaux liés à la qualité de vie au travail, les différentes facteurs de risque ou encore l’âge et l’exposition aux risques organisationnels.

Des risques psychosociaux à la QVT

Un rapport de janvier 2018 du régime général d’assurance maladie portant sur les affections psychiques liées au travail apporte un éclairage sur l’évolution des risques psychosociaux (RPS) et des troubles psychosociaux (TPS) chez les salariés pris en charge au titre des accidents du travail (AT).

On note qu’en 2016 ils représentaient 3,2 % des AT, soit environ 20 000 cas. Entre 2011 et 2016, on constate une réduction globale de la sinistralité au travail tous motifs et secteurs confondus alors que la part liée aux troubles psychosociaux est en nette progression, passant de 1 à 1,6 %, avec un taux de reconnaissance de 70 % stable. Ainsi, la croissance des arrêts de travail pour troubles psychosociaux est bien liée au plus grand nombre de leurs déclarations et non à une reconnaissance plus facilement accordée.

Bien que non inscrits au tableau des maladies professionnelles du régime général, les troubles psychosociaux peuvent être également reconnus comme maladie professionnelle, sous la double condition d’une incapacité permanente partielle (IPP) prévisible de 25 % et du lien direct et essentiel avec le travail. Dans ce cadre, 596 de ces affections ont été reconnues comme professionnelles en 2016 pour 1 100 déclarées (contre 200 déclarées et 85 reconnues en 2012). Le taux de reconnaissance est de 50 %, majoritairement représenté par les dépressions.

Les éléments déclencheurs sont soit un facteur exogène bien identifié (choc, agression…), soit un mécanisme révélateur de conditions de travail difficiles. Les secteurs «médico-social» et «activités de santé» concentrent à eux seuls 20 % des accidents et figurent parmi ceux présentant un fort taux d’arrêts de travail tous risques confondus.

Le lien avec la notion de « QVT » se fait tout naturellement.

Son évaluation passe par des questionnaires reprenant les six thèmes conduisant à la survenue des troubles psychosociaux (Rapport Gollac).

Intensité du travail et temps de travailexigences émotionnellesautonomiequalité des rapports sociauxconflit de valeurs et sécurité au travail sont ainsi appréciés du point de vue du salarié ou de l’agent au sein de son organisation.

Facteurs de risque

Les professionnels de santé sont exposés à deux facteurs de risque particuliers, la relation avec le public et une charge mentale importante. D’après la DREES, « La proportion de salariés ayant des rapports tendus avec le public (patients ou accompagnants, par exemple) a augmenté, en particulier pour les professionnels les plus exposés : les agents d’entretien (19 % en 2003, 32 % en 2013) les aides-soignants (43 % en 2003, 56 % en 2013) et les infirmiers et sages-femmes (54 % en 2003, 66 % en 2013) ».

La charge mentale tient dans l’application de consignes strictes inhérentes au métier (hygiène, sécurité des patients, procédures qualité) et à la confrontation à la souffrance humaine, qui nécessitent des compétences et des qualités, où la formation a une place importante.

Les résultats de l’enquête sur la QVT présentés dans cette étude, apportent un éclairage complémentaire concordant avec le sentiment général d’un ressenti plutôt négatif sur l’évolution des conditions de travail.

Il est bien entendu que des variations sensibles seraient observées à l’échelle d’un service selon qu’il est ou pas acteur de soins ou encore théâtre de transformations.

Âge et exposition aux risques organisationnels

Il apparaît que les agents ayant une plus grande ancienneté sont plus sensibles aux conditions de travail. La pyramide des âges étant ce qu’elle est, nous trouvons de prime abord une corrélation « naturelle » entre la tranche d’âge et l’absentéisme.

Six agents sur dix font le lien entre leur activité et leur état de santé sans que l’on puisse pour autant affirmer que le travail soit à l’origine  de leur pathologie ou s‘il vient aggraver un état existant. L’interaction avec la sphère privée est souvent évoquée.

Par contre, les troubles ressentis apparaissent dès cinq années d’ancienneté, ce qui, à l’échelle d’une carrière, est précoce et apporte surtout un regard différent sur l’idée que l’absentéisme serait fortement lié au vieillissement. De plus, ces troubles induisent forcément des coûts d’absence supplémentaires pour des établissements aux budgets déjà strictement surveillés.

L’hypothèse que les conditions de travail commencent à toucher les plus jeunes autant que les anciens est un facteur nouveau qui doit interpeller sur une organisation qui transforme la façon de travailler alors que la nature et l’objectif du travail n’ont pas forcément changé.

Autres indices, les incidences physiques et psychiques sont significatives, avec respectivement 60 % et 50 % des agents concernés. 20 % des agents déclarent avoir eu au moins un arrêt dans les six mois du fait du travail. Ceci semble confirmer qu’une proportion non négligeable des arrêts en maladie peut être en lien avec le travail mais non déclarés.

Il se constitue ainsi un réservoir de futurs arrêts de travail qui pourront être cette fois déclarés si des dysfonctionnements perdurent ou apparaissent. Nous pouvons y voir une explication complémentaire au nombre croissant des arrêts de travail d’année en année, non observé chez les salariés de même activité. L’absence prolongée du travail favorise en outre le risque d’exclusion socio-professionnelle et auto-alimente la gravité, un cercle peu vertueux difficile à corriger.

Si les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont la première cause d’arrêt, il faut rappeler qu’ils sont fréquemment intriqués aux troubles psychosociaux. Leur pérennisation tient souvent à une « complication » psychologique elle même en lien avec des conditions de travail que l’agent est peu motivé à retrouver alors que son état physique le permettrait. Il est classique aussi que la souffrance physique traduise une souffrance psychologique, la seconde favorisant l’émergence de la première.

D’ailleurs l’enquête QVT révèle qu’un agent sur deux est concerné par la tension en équipe et/ou avec le public, et que deux sur trois disent subir des pressions psychologiques. Sept agents sur dix exposés se disent cependant capables d’y faire face. Si la question individuelle joue fortement, l’agent peut faire plus facilement face aux contraintes s’il travaille au sein d’une équipe solidaire qui le soutient.

C’est encore mieux si le management y participe. Les notions de travail en équipe et d’ambiance déterminent en grande partie la qualité de vie au travail et il s’avère que ces items sont les mieux notés de l’enquête sur la QVT. C’est également valable pour l’accueil de l’agent à son retour d’une absence pour raison de maladie.

La définition reprise par l’ANI du 19 juin 2013 indique : « La Qualité de Vie au Travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment ».

Pour conclure

Cette définition n’envisage pas que la QVT ait pour objectif la préservation de la santé des salariés. Les enseignements tirés de cette approche, combinés à l’analyse de l’absentéisme et de l’accidentologie au travail, sont pourtant une source de réflexions et d’actions propices au rapprochement des concepts de l’organisation et de la prévention, qui sont encore trop cloisonnés.

Focus sur l’impact du travail sur la santé : le ressenti des répondants à l’enquête

  • Près de six répondants sur dix (58 %) affirment que leur travail impacte négativement leur état de santé.
  • Plus de la moitié (54 %) disent que leur travail impacte négativement leur santé psychique.
etudes du ressenti des répondants à l’enquête

Ainsi, plus d’un agent sur deux estiment que son état de santé est remis en cause par son activité professionnelle : la charge et les contraintes importantes du travail pèsent fortement sur la santé des agents, autant physiquement que mentalement.

La grande quantité de travail effectuée sur un rythme soutenu et intense au gré des ajustements organisationnels et sur des plages horaires importantes contribuent à la pénibilité physique des métiers et impactent négativement les organismes des personnels dont l’âge moyen avance.

Ainsi, 17 % des répondants ne ressentent aucun impact sur la qualité de leur sommeil, alors que 52 % d’entre eux mesurent ce problème chaque mois, à plus ou moins forte fréquence (20 % toutes les semaines et 10 % tous les jours).

On peut ainsi attendre d’une démarche sur la qualité de vie au travail, qu’elle ait un bénéfice positif sur la santé des agents, sur le bien-être au travail et de ce fait sur les niveaux d’absence, l’ensemble concourant à une meilleure prise en charge des patients et résidents.

Il a également été démontré que les effets d’une expérience patient menée dans le cadre d’une démarche visant à améliorer la qualité de vie en établissement public de santé avait des retombées bénéfiques pour le personnel de soin comme pour les patients.

Retrouvez plus de détails quant aux indicateurs de mesure utilisés dans les démarches QVT en établissements de santé pour comprendre les absences et leurs impacts.

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